Paris, le 26 décembre 2008
Madame la Ministre,
La Commission du Vieux Paris, dont je suis membre, vient d’émettre unanimement un vœu de protestations vigoureuses contre les travaux d’aménagement prévus à l’hôtel Lambert de Le Vau, classé monument historique, et auquel ont collaboré les plus grands artistes du temps, comme Le Brun ou Le Sueur. Il est aussi le seul hôtel particulier de la fin du règne de Louis XIII qui nous soit parvenu pratiquement intact.
Je ne vous ferai évidemment pas l’affront de continuer la description de ce monument exceptionnel. Qui mieux que vous est à même d’en juger ? Vos actions et engagements sur le domaine de Versailles, notamment, sont là pour témoigner de votre érudition et de votre attachement sans réserve à notre patrimoine culturel.
La raison d’Etat (?) quelquefois invoquée pour dénaturer ce patrimoine international vous imposerait-elle de faire fi de toute la règlementation en matière d’urbanisme et de monuments historiques et d’autoriser aussi facilement cet acte de vandalisme ?
Mais de quelle raison d’Etat s’agit-il ?
Celle qui autoriserait notre gouvernement à devenir hors la loi, ou celle qui permettrait à un chef d’Etat étranger de détruire impunément et irrémédiablement un site dont la valeur architecturale et historique dépasse très largement nos frontières ?
N’y aurait-il pas une autre alternative, plus digne, qui consiste à réagir très vivement contre ce projet fou, assimilable à la pire des opérations immobilières qu’on aurait pourtant cru là, inimaginable…
Les experts de la Commission du Vieux Paris protestent :
« - contre l’ampleur et la radicalité des interventions prévues, liées à la mise en œuvre d’un programme beaucoup trop chargé, abritant des dizaines de chambres dotées de tous les accessoires du confort, tels qu’ascenseurs, climatisation et salles de bains en nombre égal à celui des chambres, aboutissant au sacrifice des distributions anciennes et de certains dispositifs architecturaux originels, entraînant le percement de trémies dans les planchers et de saignées dans toutes les maçonneries, au risque d’endommager les décors et les structures ;
« - contre la dépose de toutes les menuiseries extérieures (datant du XVIIe au XXe siècle) ;
« - contre la réalisation de vastes locaux techniques sous la cour et le jardin, en particulier d’un parking dont la sortie sur le quai d’Anjou affectera par sa porte et par le rehaussement du mur d’enceinte, le soubassement des immeubles du quai, site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO ».
Je la soutiens sans réserve comme des milliers de Parisiens et de citoyens médusés par tant d’incongruité et d’impudeur.
Madame la Ministre, je vous ai rencontrée personnellement et à votre demande, alors que vous meniez campagne pour les élections municipales parisiennes. Je ne crois pas me tromper en affirmant que vous êtes de celles et de ceux qui nous soutiennent dans nos engagements et nos actions pour la préservation de ce patrimoine, si cher non seulement aux Parisiens, mais à tous les gens de cœur qui placent une partie de leur identité dans cet héritage inaltérable…
Madame la Ministre, encore une fois, ne laissez pas disparaître ce joyau ! L’écrin dans lequel il est inscrit ne peut en aucun cas servir à abriter un vulgaire bâtiment réduit à un simple espace de confort et de gadgets contemporains. Et laissez au moins, comme le prévoit la législation, la commission supérieure des monuments historiques donner son avis librement et sereinement.
Nous comptons sur vous…
Avec tout notre respect.
Pierre Housieaux
Président de l'association
Sauvegarde et Mise en valeur du
Paris historique