Amendé sur de nombreux points, le projet de transformation de la pointe de l’île Saint-Louis est toujours aussi destructeur.
Refondu en fonction des exigences de la Commission nationale des monuments historiques (CNMH) réunie le 7 mars dernier, le projet de transformation de l’hôtel a été réexaminé par les experts de la Commission du Vieux-Paris (CVP) le 1er de ce mois, suscitant une seconde vague d’indignation et de protestations. La nouvelle mouture des plans transmis par l’agence Perrot n’intègre qu’une partie seulement des modificatifs souhaités par la Commission nationale*. Des incohérences manifestes apparaissent dans les plans, qui portent des indications qu’on ne retrouve pas en élévation ni dans les coupes, et vice-versa. Le caractère expéditif et sommaire d’une révision visiblement effectuée dans l’urgence - les documents graphiques portent curieusement la date du 28 février 2009 : seraient-ils antérieur à la séance de la CNMH du 9 mars ? - ont amené les membres de la CVP à s’interroger sur son actualité. Quelle phase exacte du projet juge-t-on ?
En tout état de cause, actés ou non, les amendements stipulés début mars par la CNMH ne sont pas de nature à rassurer le public. Les plans qui viennent d’être transmis montrent notamment que le volume des locaux souterrains n’a nullement été revu à la baisse. La cour d’honneur serait totalement décaissée, le jardin, à concurrence du tiers de sa surface, et sur sept mètres de profondeur. Les quatre gaines verticales de ventilation visibles sur le plan du rez-de-jardin vont nécessairement de pair avec des ramifications horizontales dont la prolifération utile au confort thermique est incompatible avec la logique constructive de l’édifice. Les allégations fournies par l’agence Perrot au sujet du conditionnement de l’air inspirent d’autant plus de défiance que ce réseau n’est pas figuré en coupe, là où les interventions seraient les plus destructrices. Seuls les dessins d’exécution à grande échelle fournis par le bureau d’étude associé à l’opération permettraient de mesurer l’impact jusqu’ici minimisé de l’intégration des fluides sur l’architecture du bâtiment.
La crédibilité de la Commission nationale et du comité de suivi – une caution souvent mise en avant par le ministère - ne sort pas indemne de l’ « affaire Lambert ». Les rapports, expertises, avis et amendements formulés par ces deux instances consultatives témoignent d’une erreur manifeste d’appréciation de la valeur patrimoniale de l’objet considéré et des mutilations inhérentes aux transformations qu’on se propose de lui faire subir. Membre de la Commission du Vieux Paris, l’architecte Paul Chemetov a résumé le sentiment général en formulant un message d’une grande virulence à l’encontre du projet de l’hôtel Lambert et en invitant les membres de cette instance à opposer une position très ferme à l’attitude incompréhensible de la Commission nationale. La Commission du Vieux Paris demande qu’une version actualisée du projet lui soit transmise, afin de se prononcer en toute connaissance de cause sur le dossier de rénovation de la pointe de l’île.
J.-F. Cabestan
* Si l’escalier de Lassus d’abord condamné réapparaît dans l’état projeté, le vœu de suppression des deux salles de bains inconsidérément pratiquées au dessus de la galerie d’Hercule n’a pas été entériné. L’ascenseur litigieux ne transperce plus le plafond de l’appartement de Jean-Baptiste Lambert, mais les injonctions relatives à l’ornementation très critiquée des façades n’ont pas été fidèlement suivies.
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